Les quatre chemins de Parménide

  • il y a 9 ans
C’est chez Parménide, au Ve siècle avant notre ère, que se joue le tournant vers la pensée philosophique telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Alors que, avant lui, l’enjeu de toute vie était toujours d’écouter, d’expérimenter et d’accompagner le plus productivement possible les mystérieuses forces qui jouent toujours et partout, Parménide nous a mis sur la voie de la pensée ; pour atteindre ce qu’il appelle l’« être » stable et constant, autrement dit, comme l’expose la déesse dans son poème : le « cœur sans tremblement de la vérité bien ronde ». Être, vérité, essence ou cœur sans tremblement, qui ne peut se gagner qu’en s’orientant sur le lógos et le noûs, la logique et la raison.

« C’est une seule et même chose : penser et être », écrit Parménide. Ce qui revient à dire – et il s’agit donc là de l’amorce de toute notre tradition – que seul existe, seul est, au sens fort du terme, au sens où il a un être stable et constant, ce que nous pouvons penser. Dans l’autre sens, tout ce qu’on ne peut pas penser n’est pas : n’a pas d’existence, pas d’être proprement dit. C’est là un tournant énorme, qui a des conséquences non moins énormes.

Chez Parménide, la sagesse, le savoir (sophía) se déplace de l’expérimentation globale du monde à sa pure pensée logico-rationnelle.

A bien y regarder, son Poème nous présente quatre chemins.

Le 1er est le plus précieux, mais en même temps le plus rare : celui de l’être stable et constant lui-même, du « cœur sans tremblement de la vérité bien ronde » : vérité plénière, qui comporte en elle tant ce qui est présent que ce qui est absent. Or ce chemin n’est pas directement accessible à l’homme : il est de l’ordre d’un don, d’un enseignement accordé, à titre tout à fait exceptionnel, par les puissances, les forces divines.

Le 2e chemin est beaucoup plus facile à suivre, mais complètement stérile : c’est le chemin du non-être, du néant néantisant. Chemin qu’il faut bien se garder de prendre, si on ne veut pas sombrer dans l’abysse de la mort, qui guette et gronde au fond de tout phénomène.

Le 3e chemin est le nôtre : celui du commun des mortels. Nous pouvons accumuler toutes les connaissances que nous voulons, nous demeurons incapables de voir l’essentiel. Pragmatiques, rivés sur nos seules vues hétérogènes, nos doxai passagères, sur les seules apparences, nous confondons la succession de ce qui apparaît avec la vérité. Aussi, nous demeurons des êtres instables, indécis, confus, toujours chahutés d’une vérité à l’autre, de l’être au non-être.

Mais il existe un 4e chemin : celui du chercheur, du philosophe qui, porté qu’il est par les forces surpuissantes qui le dépassent, aspiré qu’il est par la sagesse, conduit du 3e chemin au 1er. S'il se distingue de la plupart, c’est qu’il considère et dévoile toujours l’apparence comme apparence, qu’il est et met toujours en route vers l’être. Pour que, si les forces divines le permettent, elles l’instruisent, par-delà sa vie et nos vies de simples mortels.

Recommandée