Mathieu Flonneau et Jean-Pierre Orfeuil présentent leurs notes : Vive l’automobilisme ! (1) Les conditions d’une mobilité conviviale et Vive l’automobilisme ! (2) Pourquoi il faut défendre la route

  • il y a 9 ans
Depuis plus d’un quart de siècle, le prêt-à-penser politique a rangé du côté
du bien les transports collectifs et les transports ferrés, et du côté du mal
la route, la voiture et les poids lourds. La route reste pourtant le support
ultramajoritaire des flux de personnes et de marchandises, et est aussi
aujourd’hui le berceau des mobilités collaboratives qui joueront un rôle
essentiel dans la mobilité de demain. Cette contradiction pose un problème
à ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de la République et de la
démocratie : comment nos élites ont-elles pu s’enfoncer dans un tel déni de
réalité et s’éloigner à ce point du concret de la vie de nos concitoyens ?
À l’heure de la montée des populismes, notamment dans les territoires situés
à l’écart des métropoles où l’automobile est incontournable, et au moment
où la crise grecque démontre qu’un endettement excessif ne peut déboucher
que sur une perte de souveraineté humiliante, il est urgent de refonder
l’action publique en matière de mobilité en donnant la priorité aux réalités
économiques, sociales et environnementales sur les fantasmes.
Les auteurs de ces notes n’ont pas la prétention de dire ce qu’il faut faire,
mais de proposer une boîte à outils pour sortir des illusions en confrontant
les croyances en cours aux faits et aux comportements des citoyens, et
décider en toute connaissance de cause. Face à des citoyens de mieux en
mieux formés et informés, il est en effet suicidaire de s’accrocher à des
mythes, en continuant à entretenir des confusions, par exemple entre services
publics de mobilité et service au public en matière de mobilité, ou encore en
produisant des récits du futur qui ne pourront qu’être démentis, comme
celui qui voudrait que la transition énergétique passe par l’envoi au cimetière
des éléphants de la route et des véhicules dinosaures qui l’empruntent.
Tous les moyens de déplacements ont des vices et des vertus. Tous ne sont
pas adaptés aux différents territoires de la République. La route est certes
une infrastructure, mais elle est aussi et surtout un réseau social au service
de la mobilité de la très grande majorité des citoyens et de la plupart des
échanges économiques. Elle a su s’adapter à des enjeux très divers depuis
des millénaires, elle pourra le faire encore demain, pour peu qu’on élabore
une pédagogie renouvelée, persévérante, équilibrée et régulée de la transition
écologique appliquée à la mobilité.
Repenser et réhabiliter la route, reconnaître son rôle essentiel aujourd’hui
et demain, accompagner sa montée en qualité, mettre fin à un tabou routier
d’autant plus absurde qu’on demande toujours plus de mobilité aux gens
constituent des pas nécessaires si l’on veut contribuer à enrayer les dérives
populistes. Il ne sera évidemment pas suffisant, tant ces dérives s’alimentent
aussi à d’autres sources. Espérons que la démarche de sortie des illusions par
la porte républicaine sera proposée par d’autres dans d’autres domaines.

Ces notes ont été écrites par Mathieu Flonneau et Jean-Pierre Orfeuil. Mathieu Flonneau est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à Sciences Po, chercheur à l’IRICE-CRHI, UMR 8138, universités Paris-I et Paris-IV, axe 1 du LabEx EHNE, et président du groupe de recherche Passé Présent Mobilité (P2M). Jean-Pierre Orfeuil est professeur émérite à l’École d’urbanisme de Paris (université Paris-Est), chercheur à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), devenu Institut français des sciences et technologies des transports de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), collaborateur de l’Institut pour la ville en mouvement depuis sa fondation, et spécialiste des mobilités et de leurs transformations, et des enjeux économiques, sociaux, environnementaux et urbains correspondants.

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